Le cyanotype, dans sa version standard, est un procédé qui aime l’acide, je ne vais pas entrer dans les détails des réactions chimiques, ceux que cela intéresse peuvent aller consulter l’excellent texte “cyanomycon” (en anglais) présent sur le site de Mike Ware
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Acidifier sa solution de cyano n'est pas la bonne méthode. En effet, les formules du cyanotype datent de l'époque des papiers acides, les papiers "neutres" sont relativement jeunes. Il a été mis au point depuis 1980 (moment où arrivent les papiers "sans acide") plus d'une dizaines de variations acidifiées (souvent oxalique) de la formule originale mais aucune n'a détrôné la version originale. Si l'ajout d'acide avait un effet miraculeux on peut supposer que tout le monde aurait adopté cette version modifiée.
La destruction du tampon avec un acide faible, fonctionne très bien, y compris avec des papiers épais fortement tamponnés.
L’acide sulfamique 10% est préférable car l'acide sulfamique est moins nocif pour les fibres du papier.
Il suffit de laisser tremper 3 minutes ou d’enduire au pinceau ou rouleau et laisser agir 5 minutes,
rincer puis laisser sécher ou sécher à chaud pour gagner du temps .On peut préparer ses feuilles à l'avance car elles se conservent comme du papier "normal" (à très long terme ça se discute ! ).
Autre solution, les papier conçu pour l'atlernatif (neutres ou très légèrement acides)
- Arches platine (cher, mais superbe) dispo maintenant en 27x38 cm
- Hahn platinum rag
- Bergger Cot
- papiers artisanaux (Ruscombe, etc)
- certains papiers japonais, artisanaux en particulier
Certains papiers sont dispo chez Taos photo (taosphoto.fr).
Une autre façon de s'affranchir des problèmes de pH est d'utiliser la formulation "new cyanotype" de Mike Ware (https://www.mikeware.co.uk) qui est moins sensible au phénomène que la formule "historique".
Un peu de chimie :
Tirer un cyanotype, c’est créer une réaction chimique, on fait réagir un mélange de ferricyanure de potassium avec du citrate de fer ammoniacal et sous l’action des rayons ultraviolet il se crée du ferrocyanure ferrique, un composé connu sous le nom de bleu de Prusse.
Quand vous allez chez Sennelier acheter du pigment bleu de Prusse, c’est exactement le même produit que ce qui est créé dans un cyanotype, du ferrocyanure ferrique (PB27 dans la dénomination internationale des pigments).
Hélas, cela ce n’est que la théorie, en pratique c’est légèrement différent.
Le problème est que la réaction chimique peut être perturbée, il se crée alors d’autres produits, en plus (ou à la place) du ferrocyanure ferrique:
Ferrocyanure ferreux, un produit incolore connu sous le nom de « blanc de Prusse »,
Ferricyanure ferreux, « bleu de Turnbull »,
Ferricyanure ferrique, « jaune de Prusse » dont la couleur va du jaune brun au vert.
Les quatre composants qu’il est possible d’obtenir portent des noms proches car ce sont des produits très voisins, ils ne diffèrent que par l’emplacement de quelques électrons.
Le passage d’un composé à l’autre est possible, c’est une réaction connue sous le nom d’oxydo-réduction. Un exemple de ce type de réaction est bien connu : le passage d’un cyanotype bleu clair dans l’eau oxygénée, oxyde (transfére des électrons) le ferrocyanure ferreux (incolore) et le transforme en ferrocyanure ferrique ce qui donne un bleu bien plus intense.
Le pH, qui indique si un produit est acide ou basique, a lui aussi une action, l’oxydation est facilitée en milieu acide et plus difficile en milieu basique.
J’arrête ici ce résumé (très simplifié) de la chimie du cyanotype, nous savons l’essentiel afin de comprendre la suite. Celles et ceux qui veulent en savoir plus (beaucoup plus) trouveront des informations très détaillées sur le site de Mike Ware (1) dans le document « Cyanomicon » (en anglais) que l’on peut télécharger librement.
Tous les photographes ne désirent pas obtenir un bleu bien dense, certaines ou certains préfèrent un bleu qui tend plus vers le turquoise par exemple. Voici quelques conseils pour obtenir un bleu bien dense… et si vous préférez du turquoise, faites l’inverse de ce qui est indiqué ici !
Pour intensifier le bleu, on peut agir sur 3 paramètres
La formule chimique du cyanotype,
L’eau de lavage,
Le papier utilisé.
Formule chimique du cyanotype
Il existe de nombreuses variations autour de la formule originale du cyanotype, certaines comportent de l’acide (souvent de l’acide oxalique), avec quelques papiers cela permet d’obtenir un bleu un peu plus fort, mais d’un support à l’autre l’effet est variable, cette solution n’est donc pas idéale.
La formule classique (2) fonctionne très bien, depuis sa mise au point par Herschell en 1842, elle a fait ses preuves. Depuis les années 1970-80, quand le papier a commencé à poser des problèmes (voir plus loin), des formules acidifiées ont été mises au point. Aucune de ces formules ne s’est imposée, preuve que cette solution n’est pas idéale. Si vous avez envie d’essayer d’autre formules, l’ouvrage sur le cyanotype (3) de Christina Z Anderson (en anglais) liste une centaine de variations autour de la formule originale de Herschel, elle détaille aussi les résultats que donnent une bonne centaine de papiers différents.
Eau de lavage
L’eau calcaire est légèrement alcaline, elle aura donc tendance à décolorer les bleus. Une légère acidification de l’eau permet alors d’obtenir des bleus plus intenses.
Un peu de vinaigre ajouté à l’eau, de l’acide citrique ou de l’acide oxalique font l’affaire (une cuillère à soupe par litre d’eau). N’utilisez pas d’acide fort comme l’acide chlorhydrique ou nitrique.
Testez votre eau en développant une moitié de cyanotype dans l’eau ordinaire et l’autre moitié dans de l’eau légèrement acidifiée, s’il n’y a pas de différence notable, vous n’aurez pas besoin d’acidifier vos eaux de lavage.
Papier utilisé
Les papiers modernes (depuis environ 1970) sont traités afin de ne pas devenir acides en vieillissant. L’acide détruit les fibres et rend le papier cassant, on peut le constater avec certains vieux livres ou journaux qui partent en miette dès qu’ils sont manipulés.
Le traitement « pH neutre » ou « sans acide » des papiers consiste à ajouter, pendant leur fabrication, un tampon alcalin (généralement du carbonate de calcium) qui neutralise l’acide. La conservation est excellente, mais hélas le tampon alcalin fait qu’il est difficile d’obtenir, en cyanotype, des bleus profonds.
Voici quelques solutions :
Utiliser un papier spécialement conçu pour les procédés alternatifs (cyanotype, platine, etc.)
Utiliser un papier artisanal, européen ou asiatique,
Traiter un papier « classique » afin d’en éliminer le tampon alcalin.
Les papiers conçus pour le cyanotype (et autres procédés similaires) sont peu nombreux
- Arches platine
- Bergger COT
- Hahnemühle Rag Platinum
Les papiers artisanaux sont fabriqués à la main, ils utilisent des fibres « nobles », coton, lin, chanvre, etc. des produits qui posent moins de problèmes de conservation et permettent de se passer de tampon alcalin.
Il existe, en France, une dizaine de moulins à papiers, mais beaucoup ont une activité pédagogique et produisent surtout des papiers fantaisie. Trois ou quatre artisans produisent des papiers destinés aux artistes ou à la restauration d’ouvrages anciens. Ruscombe (4) a créé des supports spécialement mis au point pour les procédés alternatifs, mais certains de ses autres papiers, ceux qui supportent un trempage prolongé, conviennent aussi.
En Asie, les artisans papetiers utilisent d’autres fibres qu’en Europe, leurs papiers sont très différents de ce que nous avons ici. Certains de ces papiers sont superbes, bien que très fins, ils supportent le trempage, mais ils sont alors d’une manipulation délicate.
Awagami (5) est l’un des grands fabricants de papiers artisanaux japonais, mais ce n’est pas le seul, on trouve de nombreux autres papiers asiatiques chez les papiers de Lucas (6).
Les papiers artisanaux, européens ou japonais, sont superbes mais, ce n’est pas surprenant, plus chers que les papiers industriels.
La suppression du tampon alcalin se fait en trempant le papier dans l’acide. Il faut utiliser un acide faible afin de ne pas abîmer les fibres du papier. L’acide sulfamique est idéal (50 à 100 g par litre) car il abime peu les fibres du papier, mais il peut être remplacé par de l’acide citrique ou oxalique.
Le papier est d’abord mis à tremper dans l’eau (5 à 10 minutes), après égouttage il est mis dans la solution d’acide. De fines bulles vont se dégager du papier, c’est le signe que le tampon alcalin est attaqué par l’acide. On remue les feuilles de temps en temps puis après 10 à 15 minutes le papier est rincé dans l’eau (10 à 20 minutes) puis mis à sécher. Les papiers épais se traitent plus lentement que les papiers fins.
Le papier ainsi préparé se conserve, il est donc possible de préparer ses feuilles à l’avance et de les garder plusieurs mois.
Références :
1 www.mikeware.co.uk/mikeware/downloads.html
2 Formule du cyanotype :
Solution A : ferricyanure de potassium 8 g pour 100 ml d’eau
Solution B : citrate de fer ammoniacal (vert) 20 g pour 100 ml d’eau
Au moment de l’emploi, mélanger 1 volume de A et 1 volume de B
3 “Cyanotype, The Blueprint in Contemporary Practice”, Christina Z Anderson, Routledge 2019
4 ruscombepaper.com
5 awagami.com
6 les-papiers-de-lucas.com
Fournisseurs :
Papier Arches platine et Hahnemhule Platinum Rag : Taos photo (taosphoto.fr)
Papier Bergger COT : bergger (bergger.com)
Acide sulfamique : mon droguiste (www.mon-droguiste.com)
Illustration :
Un cyanotype tiré sur papier Fabriano Artistico, une fois acidifié, ce papier délivre un bleu intense. Ici, la solution de cyanotype a été, par erreur, enduite eu verso de la feuille, le filigrane se lit à l’envers, mais c’est sans effet sur la teinte du résultat.