Côté anglais, c’est John Pouncy qui présente des épreuves à la London Photographic Society en 1858. Le procédé ne connut pas un succès immédiat à cause de l’absence des demi-teintes.
Robert Demachy (1859-1936) est l’un des premiers à appliquer le procédé à la gomme bichromatée vers1894. Il deviendra l’un des chefs de file du mouvement pictorialiste. Il considérait que la photographie devait être interprétée : “ une photographie doit-elle être produite uniquement par des moyens mécaniques ou peut-on admettre que l’on fasse appel, pour la modifier, au talent et à l’habileté de l’artiste ?” Il s’inscrit dans le mouvement opposé de ceux qui pensent que la photographie doit être le moyen de saisir et restituer la réalité et rien que la réalité. Comme tous les pionniers, il a expérimenté et a contribué à donner à la photographie ses lettres de noblesse. Il participera à la rédaction d’un texte :
“ Le procédé à la gomme bichromatée ou photo-aquateinte ”1 .
Dans son ouvrage, il explique avec beaucoup de clarté sa méthode et donne de nombreux détails sur ses choix et son expérimentation. C’est un bon texte de base pour comprendre le procédé, car il sait s’adresser aux débutants. Néanmoins, tant que l’on n’a pas vu une gomme se réaliser l’apprentissage reste difficile. C’est pourquoi je reprendrai simplement les étapes à ne pas manquer, les recommandations qui m’ont fait défaut lors de mes premiers essais.
II) Intérêt du procédé
C’est un moyen d’intervenir directement sur une image, d’en donner une interprétation personnelle.
C’est surtout un procédé qui permet de travailler à la fois avec les outils du peintre et ceux du photographe : les pinceaux, les pigments et les négatifs. L’image obtenue reste stable si l’on respecte quelques règles quant à la qualité du papier et des produits utilisés.
En résumé, c’est une composition d’images obtenue par la superposition successive de chaque couche colorée. Chacune des couches est ensuite insolée et dépouillée dans un bac d’eau. Chaque dépouillement 2 s’effectue avec toute une série d’outils à adapter soi même, ce qui constitue une phase de création indéniable et donc d’interprétation. C’est précisément dans le geste du dépouillement qu’apparaît le caractère singulier de la gomme bichromatée loin du mouvement mécanique et de la reproduction à l’infini.
Ma démarche consiste donc à faire gagner du temps aux débutants et surtout à éviter de les décourager. Mes explications sont données en fonction des étapes nécessaires à la réalisation d’une gomme.
Le choix du papier est capital pour une bonne conservation des images. Il convient de choisir des papiers sans acide. Le papier dit permanent est fabriqué sous la norme iso 9706. Le pH doit être compris entre 7,5 et 10, La réserve alcaline doit être supérieure ou égale à 2% d’équivalent de carbonate de calcium. Le symbole est le signe mathématique de l’infini dans un cercle avec la référence ISO 97063. J’utilise le papier Vinci (224 ou 300gr) de chez Fabriano qui est très blanc, sans acide et qui ne se rétracte pas malgré plusieurs passages dans l’eau. Le Velin Rives BFK et le papier Fontenay aquarelle 300gr de chez Canson qui a une face lisse et l'autre une face torchon, sont aussi d'excellents papiers.
Trois opérations sont essentielles :

J’utilise dans les deux cas la formule suivante pour 1000ml :
900 ml d’eau distillée
40gr de sucre en poudre, dilué dans 100 ml d’eau chaude.
50gr de gélatine.



Les négatifs ne doivent pas être fortement contrastés, sinon c’est au détriment des demi-teintes. Il est possible de réaliser deux ou trois négatifs afin de rééquilibrer les zones entre elles et d’éviter les trop grands écarts de contraste. Par exemple, pour un paysage, il convient de privilégier les ciels sur un négatif et le reste du paysage sur un deuxième, voire un troisième si nécessaire. Pour réaliser mes négatifs, J'utilise les diapositives . Je tire ce positif sur un film demi-teinte à la dimension voulue. Cela évite de réaliser des contretypes. Une autre technique consiste à ne tirer qu’un négatif et à faire varier les temps d’exposition en fonction des zones plus ou moins claires. Encore Faut-il que le négatif ne soit pas trop contrasté10. Il est aussi possible de fabriquer des masques grâce à du film transparent pour rétroprojecteur en utilisant des feutres indélébiles de couleur rouge. Ainsi, le dépouillement est plus précis et rapide, mais cela demande un peu d’habileté et de patience.

1 volume de gomme,
+ pigment,
+ 1 volume d’eau distillée,
+ 1 volume de bichromate de potassium (solution à 9%).
J’utilise des petites quantités de 2 ml grâce à de petites seringues. C’est largement suffisant pour étendre à la fois deux feuilles de dimension 13X18. La feuille est fixée avec un collant sur une planchette en bois. Il faut étendre, le plus rapidement possible, à l’aide d’un pinceau à poils courts, une couche fine et régulière.

Surtout pour les premières couches car les dernières couches peuvent être plus épaisses en diminuant la quantité d’eau de moitié. Robert Demachy avait déjà indiqué qu’il fallait ajouter de l’eau afin que l’étendage soit plus facile. Pourtant dans beaucoup de textes, il est précisé que la couche doit être la plus riche possible en gomme arabique. C’est sûrement vrai si l’on travaille en une seule couche, mais je le déconseille car l’originalité de la gomme bichromatée vient de l a matière obtenue grâce aux couches successives, ainsi les demi-teintes peuvent être plus facilement traitées.
Lorsque je travaille avec un mélange plus liquide, les premières couches sont pâles et le rendu parait décevant. Il suffit de coucher et d’insoler autant de fois que cela est nécessaire pour obtenir la teinte désirée.
J’utilise deux systèmes : l’hiver, deux lampes Philips HPR de 125 watts chacune (c’est le minimum), l’été, je travaille en extérieur à l’ombre, à la limite d’une zone ensoleillée. Je travaille également par temps voilé. Je laisse moins de temps en extérieur du fait de l’intensité de la lumière, que sous les lampes. En moyenne le temps d’exposition varie entre 5 minutes et 10 minutes. Tout dépendra de la densité du négatif.

L’originalité du procédé tient aussi dans cette technique de dépouillement qui consiste à retirer de la couleur et à ne privilégier que certaines zones contrairement au peintre qui travaille par apports successifs de matières sur son support. Il ne faut pas hésiter à intervenir et à retirer au pinceau les parties qui seront colorées par la suite. Mes instruments de dépouillement sont multiples :
- une grosse seringue et une pissette en plastique pour former un petit jet d’eau ;
- des petits pinceaux très fins, genre pinceau de retouche photo ;
- un pulvérisateur qui me sert de “ jet à haute pression ” lorsque la couche résiste après l’avoir trop insolée.
- un sèche-cheveux. Une fois le dépouillement terminé, le sèche-cheveux permet à la fois un séchage rapide et un tannage de la couche afin d’éviter sa dissolution à la prochaine immersion dans l’eau.

Pas seulement à l’eau, mais avec une solution à 1% de bisulfite de sodium afin d’éliminer les résidus de bichromate de potassium. Laver dans 4 à 5 bacs d’ eau différents. Dans son article, présenté sur ce site, Marc Venet explique le test au permanganate de potassium pour vérifier l’absence de bisulfite dans la fibre du papier.
C’est une manière de travailler la gomme. Chacun peut l’améliorer et compléter cette pratique qui est le fruit de plusieurs lectures et l’expérience de plusieurs années. J’ai volontairement écarté l’emploi de gouaches et d’aquarelles, car je recherche plus une saturation des couleurs qu’une transparence. Je recherche également les rythmes du pinceau à travers les couches successives de gommes. La technique offre une infinité d'interprétation que chacun peut adapter pour créer ses propres images.
Un dernier point important toute l’eau utilisée doit être stockée dans un bidon et ensuite traitée avec du sulfite de soude et acide citrique afin de neutraliser le bichromate de potassium. Les proportions sont les suivantes : pour 5 litres d’eau usée on a utilisé 40gr de bichromate de potassium. On rajoute à l’eau 20 gr de sulfite de sodium et une cuillère à café d’acide citrique. Si on dispose d’un jardin, on peut laisser s’évaporer cette l’eau, surtout l’été, dans un grand récipient en mental comme un ancien seau de peinture. Une fois évaporée, avec des gants et sopalin on essuie les boues au fond du seau. Ces papiers sont jetés à la poubelle. Autre méthode, apporter cette eau dans un bidon à la déchetterie. Il ne faut surtout pas verser ces produits dans une canalisation.
Y.Christ et M.Bovis, 150 ans de photographie française. Photo revue, 1979.
B. Lavedrine, La conservation des photographies. Presses du CNRS, 1990.
E. De Valicourt, Nouveau manuel complet de photographie. T.1 et 2. Manuels-Roret
David Scopick, The gum bichromate Book.Rochester, New York, 1978.
Cristina Zelich, Manual de técnicas Fotográficas del siglo XIX. [Barcelone], PhotoVision.
Laura Blacklow: procedés de tirages alternatifs
Internet
https://gallica.bnf.fr/
Philippejimenez : http://www.philippejimenez.fr/
Jean-Claude Nougaret : http://www.nougaret.com/
https://www.alternativephotography.com
https://www.galerie-photo.com
Mise à jour, 10 mai 2023.
Erick Mengual.
Achat de produits chimiques et acessoires : http://www.disactis.com
- Préparez le papier.
Gélatinage à 40° (6%).
Formol (3%).
- Couchage de la première couche.
Ajout de pigment (en principe de couleur claire pour la première couche).
1 volume d’eau distillée.
1 volume de bichromate de potassium.
Encollage de la feuille au pinceau et lissage avec un autre pinceau.
Séchage dans le noir prés d’un ventilateur ( une vingtaine de minutes.)
Insolez.
Positionnez le négatif sur la feuille séchée et faites des repérages. Prendre en sandwich entre deux vitres et deux grosses pinces à dessin. Insolez sous les lampes ou à l’extérieur à l’ombre.
Dépouillez.
Dans un bac d’eau propre, la feuille retournée vers le bas. Travaillez au pinceau et ne laissez que les hautes lumières.
Séchez.
A l’aide d’un sèche cheveux en alternant air chaux et froid. Cette action tanne la couche.
- Deuxième couche.
Ensuite, même opérations que pour la première couche : insolez dépouillez séchez, ainsi de suite jusqu’à une dizaine de couches si nécessaire en diminuant la quantité d’eau dans les dernières couches.
Merci à Marie-Louise, Monique, Alain et Jean-Claude pour leurs conseils.
5. Quelle que soit la taille.
6. Le Comptoir des Artistes, 6 bis, av Paul Langevin. BP 1051 95226 Herblay. cedex
7. Un excellent ouvrage de Gilles Delcroix et Marc Havel, Phénomènes physiques et peinture artistique, Erec 1988.
8. Pour la couleur : Robert Montchaud, La couleur et ses accords, Paris, Fleurus, 1994.
10. Marie-Louise Bréhant dans son exposé, préconise l’utilisation d’une photocopie laser pour réaliser des négatifs.
11. Vendue en papeterie
13. Alain Gayster dans son article précédemment cité préconise le repérage à l’aide d’une perforatrice de bureau.